Les politiciens et la lutte contre la corruption

Publié le par Vitalp

L’on peut s’imaginer sans grand effort que la lutte contre la corruption sera une fois encore au centre des (au cœur) des engagements que prendront devant le peuple (et les électeurs) la plupart des candidats aux élections de 2011. La seule question qui demeure est la suivante : comment peuvent-ils être crédibles ?
Par Mathias Hounkpè

S’il y a deux fronts sur lesquels tous ceux qui ont eu  à  gouverner  ou à être associés au pouvoir au Bénin ont, à ce jour, obtenu très peu de résultat pour ne pas dire ont échoué, celui de la lutte contre la corruption en fait partie. Aucun groupe d’acteurs sur la scène politique nationale actuelle n’essaie de se présenter comme ayant réalisé des prouesses dans la lutte contre le phénomène. Cependant tout le monde s’accorde sur la nécessité de poursuivre et de renforcer la lutte contre la corruption, condition sine qua non pour qu’il y ait quelque chance de développement pour notre cher pays le Bénin.

Promesses de campagne
Il est donc raisonnable de s’attendre à ce que la lutte contre la corruption soit, une fois encore, au cœur des promesses de campagne pour les échéances de 2011. L’on peut s’imaginer que lors de la campagne électorale prochaine, chacun des candidats décrira l’ampleur du phénomène, ses conséquences dévastatrices sur les chances de développement du pays et surtout s’engagera à mener une lutte sans merci contre la corruption s’il était choisit par les électeurs. En fait, la campagne comme d’habitude. Seulement que cette fois-ci les mots seuls risquent de ne plus suffire.
En effet, étant données les perfor-mances pour le moins décevantes réalisées sur ce front par tous ceux qui se sont succédés au pouvoir depuis l’avènement du Renouveau démocratique, les promesses seu-les risqueraient de manquer de crédibilité aux yeux des populations. Des gestes et des actions claires seront nécessaires pour contribuer à la crédibilisation des promesses qui pourraient être faites de ce point de vue-là pendant les échéances de 2011. Donnons juste un exemple de comportements qui pourraient difficilement être compati-bles avec une promesse crédible de lutte contre la corruption une fois élu soi même ou dans le cadre d’une coalition.

Les candidats et leurs milliards
La manière de financer son élection (ou sa réélection) peut constituer un signal quant à la crédibilité des engagements du candidat une fois élu de combattre efficacement la corruption. Il sera, en effet, très difficile de prétendre que l’on est déterminé à lutter contre la corruption si l’on est prêt à engager des débauches de ressources dans le processus qui conduit à son élection. Le Président Kérékou, célèbre pour sa manière alambiquée de dire les choses, ironisait, dans une déclaration publique en 2005, qu’il ne fallait pas moins d’un milliard pour financer une campagne présidentielle au Bénin. Un autre candidat aux législatives passées a dit, également  de manière publique (sur un plateau de télévision), qu’il fallait plus de 100 millions pour un financement suffisant d’un candidat aux élections législatives.
Suivant le rapport entre le plafonnement par la loi (n° 2007-25 portant règles générales pour les élections au Bénin) du financement des législatives (à plus 5 millions de  F  CFA   par  candidat)   et les dépenses réelles (100 millions = 20 x 5 millions) telles qu’évoquées par le candidat aux législatives de 2007 cité ci-dessus, l’on pourrait estimer les dépenses pour une présidentielle à 10 milliards de FCFA pour le candidat qui en a les moyens. Mais supposons exagérés aussi bien le montant annoncé par le candidat que le parallèle que l’on peut en tirer en ce qui concerne les dépenses de campagne pour une pré-sidentielle et ramenons cela à un montant entre 5 et 7 milliards de F CFA (ce que beaucoup d’experts en la matière jugent assez bas1). Cela pose toujours un problème.
En effet, l’engloutis-sement de plusieurs milliards de francs CFA, qui de façon réaliste ne peuvent appartenir au candidat lui-même, constitue de notre point de vue le premier signal qu’une fois au pouvoir, le Président élu devra faire les concessions nécessaires pour que les «mécènes» qui auraient dépensé pour lui, puissent se rembourser. En d’autres termes, le Président élu devra accepter ne serait-ce que des poches de corruption, de mauvaise gouvernance pour le règlement (éventuellement à lui-même) des factures (dettes) de sa campagne. Autrement, il lui sera extrêmement difficile de gérer et éventuellement de se maintenir au pouvoir. De plus, si le Président élu croit en l’argent comme un facteur déterminant dans la conquête du pouvoir, il peut être tenté d’y recourir pour se maintenir au pouvoir, c’est-à-dire de créer davantage de poches de mauvaise gouvernance pour sa survie et sa promotion politiques.
En guise de clarification finale, précisons que le principal message du présent papier est le suivant. La manière dont chacun des candidats financera sa campagne et la priorité qu’il accordera à l’argent dans ses transactions avec les électeurs constitueront des signaux très forts quant à sa capacité à lutter efficacement contre la corruption une fois élu. En exagérant un tout petit peu, l’on peut oser l’affirmation suivant laquelle «plus vous investissez dans votre élection (ou réélection) moins vous serez en mesure de lutter de manière efficace contre la gangrène de la corruption». Cher futurs candidats, plus que des mots, c’est surtout d’actions concrètes, d’actions qui crédibilisent les mots que le peuple béninois a besoin.
C’est ce que nous croyons.

Mathias Hounkpè

Note
1 En effet, lorsque l’on parcourt toutes les rubriques des dépenses de campagne et la durée réelle des campagnes (parfois plusieurs années de préparation et d’investissement), le montant ci-dessus paraît assez bas et même dérisoire dans certains cas

Publié dans Décryptage

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