L’inondation, l’ennemi public N°1

Publié le par Vitalp

Inondation. Les habitants de Cotonou pensaient la connaitre mieux que tous les Béninois. Cotonou entretient, en effet, un commerce annuel privilégié avec le phénomène : maisons inondées, voies secondaires défoncées, caniveaux dégorgeant leur trop-plein de boues et de détritus… A garder les yeux rivés sur Cotonou, on a oublié les autres localités du pays.
Les inondations de cette année sont d’une toute autre ampleur. Tout le pays, du nord au sud, est concerné. Les crues d’eaux le long des fleuves Niger et Ouémé, les débordements sur le plateau d’Abomey et dans les régions périphériques du lac Nokoué…tout cela achève de convaincre que Cotonou n’a pas le monopole des inondations au Bénin.
On peut le dire, les inondations, cette année, ont un caractère national. Elles confondent dans le malheur et la désolation, les hommes et les femmes de toutes les conditions, de toutes les régions. N’est-ce pas suffisant pour que nous cessions de voir le Bénin par le petit bout de la lorgnette, c’est-à-dire de manière étriquée et bornée ? Les crues d’eaux n’ont pas de frontières. Elles ne font aucune différence entre militants de la mouvance et militants de l’opposition. Elles se moquent de nos intérêts politiques partisans.
Face à quoi, nos catégorisations ordinaires tombent à l’eau, au propre et au figuré. C’est tout un peuple qui joue sa survie face à un défi majeur. Et on attend que ce peuple mobilise toutes les ressources de son esprit et de son cœur pour soulager les populations sinistrées, desserrer l’étau des eaux, réparer ce qui peut l’être, rendre l’homme présent à l’homme en développant des actions de solidarité pertinentes.

 

Le premier acte qui s’impose à notre esprit est celui d’une trêve politique immédiate. Il y a trop de tension dans l’air. Les élections, c’est dans six mois. Mais les grandes manœuvres politiciennes ont commencé. Les discours se durcissent. Les noms d’oiseaux volent d’un camp à l’autre. Les différents protagonistes sont prêts à en découdre.
Stop et ça suffit ! Mouvance comme opposition, dehors ! L’intérêt du pays commande de retenir l’image du Bénin en danger, l’image de Béninois qui, dans un sursaut patriotique, entendent l’appel de leur pays. Il importe davantage de voir un peuple debout face à l’adversité, qu’un peuple prostré dans le malheur et qui se laisse diluer dans des querelles politiques.
A cet égard, le chef de l’Etat doit prendre, sans délai, une initiative. Celle-ci commence, selon nous, par une adresse solennelle à la nation. Une adresse mobilisatrice, engagée et engageante, après qu’il eut déclaré l’état de catastrophe nationale. C’est un pays, à travers ses huit millions d’hommes et de femmes qui déclare la guerre à l’inondation.
Tous les espaces non touchés par les eaux, salles de classes, stades, maisons des jeunes, doivent être recensés et réquisitionnés. Ils seront mis à la disposition des familles et des populations sinistrées. Si des hommes, des femmes et des enfants devaient être déplacés, de leurs lieux d’habitation à leurs nouveaux lieux d’accueil, n’hésitons pas à jouer à fond la carte de l’intercommunalité. En effet, avec les inondations, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Les communes les mieux loties doivent se préparer à accueillir les populations sinistrées venant d’autres communes.
Le Bénin bénéficie, depuis des années, des actions du Comité national pour la protection civile. Pas de doute : ce comité est déjà à pied d’œuvre. Par ailleurs, le pays vient de se doter d’un Haut Commissariat à la Solidarité. Inutile de dire que le nouveau venu n’est que bien venu. Par les temps qui courent, il a du pain sur la planche.
Enfin, un comité d’experts pluridisciplinaires doit être réuni, sans délai. Il conseillera utilement le gouvernement dans les circonstances actuelles. Il ne s’agit pas de faire double emploi avec les initiatives en matière d’aménagement du territoire. Mais de faire dans l’urgence et dans le conservatoire pour éclairer les choix de nos dirigeants. C’est une sorte de boussole stratégique que nous proposons en vue de parer au plus pressé. Le Bénin, en ce moment, n’a qu’un seul ennemi clairement identifié : l’inondation.

Jérôme Carlos
La chronique du jour du 28 septembre 2010.

Publié dans Chronique

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