Le Bénin de tous les paradoxes

Publié le par Vitalp

Monsieur Jerôme Carlos : Historien, journaliste et ChroniqueurQui peut en douter ? Le Bénin est un pays très sérieux. Il y a des pays africains dont on parle avec un sourire entendu. Point n’est besoin de mots pour se faire comprendre. Il y en a d’autres dont on parle avec tristesse et regret. La nature, estime-t-on, a trop gâtés ces pays pour les voir ligoter au bon vouloir d’une poignée d’individus sans foi ni loi, pour les voir livrer au pillage éhonté de prédateurs impénitents.
Le Bénin n’a pas usurpé les divers vocables sous lesquels il s’est affirmé et s’affirme hier comme aujourd’hui. « Quartier latin de l’Afrique » pour la France, le Dahomey, devenu Bénin, recevait ainsi l’hommage du colon français pour la qualité de ses élites modernes, produits de l’école française. « L’enfant malade de l’Afrique » désignait, au début des années 60, ce pays turbulent, à l’instabilité légendaire. Le pays se distinguait alors par des coups d’Etat à répétition. Quant au « Berceau des conférences nationales en Afrique », le Bénin peut s’enorgueillir d’avoir conquis cette appellation après qu’il eut ouvert une brèche dans le mur des autocraties africaines et inauguré une nouvelle ère de liberté et de démocratie sur le continent.
Répétons-le pour qu’il n’y ait le moindre doute là-dessus : nous sommes un pays sérieux, un pays attaché le plus sérieusement du monde à garder et à préserver cette réputation de pays sérieux. Mais on peut s’étonner cependant de voir, parfois, le Bénin sérieux se plaire à ne pas être tout à fait sérieux. Cela étonne. Cela déroute. Comment expliquer ? Comment comprendre ? Nous avons convoqué quelques faits pour qu’ils nous donnent le mot de l’énigme. C’en est véritablement une !

 

Premier fait. Le Bénin décide, à travers les instances dirigeantes de son football, de dissoudre son Onze national, dès le lendemain de la Coupe d’Afrique des Nations, Angola 2010. Les joueurs, avançait-on, n’ont pas été à la hauteur de la mission. La plupart, prétextait-on, étaient vieillissants et devaient raccrocher leurs crampons. C’est bien connu « qui veut noyer son chien l’accuse de rage ».Et c’est avec la rage au cœur que nombre d’Ecureuils apprirent leur retraite forcée de l’équipe nationale.
Ceux qui ont pris ces décisions fracassantes et à l’emporte pièce s’étaient-ils assurés de pouvoir remplacer ce qu’ils rayaient aussi allègrement d’un trait de plume ? Une nouvelle équipe nationale de football ne se construit pas du jour au lendemain. Encore moins d’un coup de baguette magique. Car il est dit que c’est au bout de la vielle corde que se tresse la nouvelle. Les dirigeants de notre football, toute honte bue, ont ravalé depuis leurs paroles.
Deuxième fait. Restons toujours dans le football pour constater qu’autour de l’équipe nationale, nous attachons beaucoup de prix à tout ce qui est mystique, objet d’un gros budget. Cela relève, chez la plupart des joueurs et des dirigeants, de croyances profondément enracinées. Sans ce détour métaphysique, aucun joueur n’est prêt à donner le meilleur de lui-même. Car, croit-on, un match amputé de cette dimension est perdu à l’avance. On ne s’explique pas qu’avec cette dimension sur-exaltée, on ne gagne pas non plus. En attendant que les dirigeants de notre fédération trouvent la formule qui fera gagner le Onze national, proposons-leur la vielle recette universelle qui ne s’use pas même quand l’on s’en sert : seul le travail paye !
Troisième fait. Le Bénin est réputé être le pays des Amazones, ces femmes guerrières qui ont fait les beaux jours des armées du Danhomê, tant étaient grands leur courage et leur vaillance au combat. Le 14 juillet dernier, invités à faire défiler sur les Champs Elysée à Paris des détachements de leurs armées, les Etats africains firent forte impression. Mais le clou de la manifestation, ce fut avec le Bénin qui, à la surprise de tous, fit défiler ses femmes soldats, en souvenir, sans nul doute, de ses Amazones.
Hommage à la femme béninoise à Paris, faible représentation des femmes béninoises dans les instances dirigeantes de l’Etat à Cotonou. A peine quatre femmes noyées sous un océan d’hommes au Gouvernement. Pas guère plus de femmes à l’Assemblée nationale. Quant à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la communication (HAAC), nada, c’est-à-dire rien. On est où là ?

Jérôme Carlos
La chronique du jour du 29 septembre 2010

Publié dans Chronique

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