Objectifs du Millénaire pour le Développement : Cet Avenir qu’on sacrifie

Publié le par Vitalp

Le récent sommet des Nations Unies s’est penché sur le bilan à mi parcours des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Au nombre de ces objectifs figurent : la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim, l’éducation primaire pour tous, la promotion de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, la réduction de la mortalité infantile, l’amélioration de la santé maternelle, la lutte contre le VIH/SIDA et le paludisme, la préservation de l’environnement, la mise en place d’un partenariat mondial durable. Nobles objectifs affichés en 2000 pour une cinglante déception enregistrée ces 20-22 Septembre 2010 à New York par ce programme prévu pour s’achever en 2015. J’ai choisi de vous entretenir sur 3 de ces points, dont la banalisation chez nous au Bénin, démontre à souhait l’importance que les dirigeants politiques taillent à l’avenir.

L’Education Primaire. Si le taux brut de scolarisation est passé de 61 à 96% entre 1992 et 2008, il s’agit en réalité d’un leurre. Il ne s’agissait pas de permettre aux enfants de fouler la cour d’une école une fois dans leur vie ou de se promener entre le CI  et le CE1 six lunes durant avant de décrocher. Le système éducatif béninois est malade. Malade de son organisation bancale, de ses ressources humaines insuffisantes et de ses moyens matériels dérisoires face aux défis qui sont les siens. Le taux net de scolarisation n’est que de 59% en 2007, le taux d’achèvement au primaire tombant à 50%, ce qui se matérialise par un taux d’alphabétisation national de 48%.

Nous irions donc vers le Développement Economique et le Progrès social avec 1 Béninois sur deux banni de la lecture et du calcul ? Nous formerions la relève de qualité en marge de l’usage d’un ordinateur et de la connaissance d’internet ? Nous galvaniserions les cadres de demain en leur apprenant à réfléchir assis par terre, les pieds dans l’eau, dans des classes livrées aux vents et avec des professeurs également auto-entrepreneurs spécialisés dans la revente de yaourts ? A titre d’exemple, un rapport de l’ONU révèle que le Bénin comme toute l’Afrique Subsaharienne gagnerait à doubler purement et simplement le nombre de ses écoles et enseignants. Au prix de combien de véhicules haut de gamme, de billets d’avions et d’avantages en nature sacrifiés par un ministère budgétivore et scindé en 3 monstres administratifs ? Quand obtiendrons-nous un plan de réforme et de modernisation de l’éducation dont le pragmatisme désarmerait les tenanciers de colloques, foras, séminaires- ateliers et autres symposiums dont on nous abreuve depuis des décennies ? Quand rattraperons-nous nos enfants perdus pour les études longues, dans des dispositifs de formation technique et professionnelle adaptés et rendus performants par des partenariats public-privé ?

Un autre volet des OMD, le plus martyrisé semble t-il de par le monde : la Mortalité Maternelle. Nous disions dans un précédent article que les députés avaient pêché contre la gent féminine en lui proposant 20% des sièges du parlement. C’était en effet une sorte de diagonale du fou que d’imposer à ce groupe social une telle gymnastique. Car en dehors de la caste des femmes lettrées des grandes villes et des vaillantes commerçantes de nos marchés, le quotidien de la femme béninoise reste obscurci par le déficit de protection sanitaire dont elle est l’objet. Parce qu’elle est majoritairement rurale, pas ou peu lettrée, peu autonome socialement, très dépendante économiquement, extrêmement fragile financièrement, la femme béninoise de base devient le souffre douleur désigné de tous les maux qui frappent notre système de santé. Gangrène, paludisme, gynécologie, accouchement, VIH et autres avaries sanitaires prennent chez elle l’allure d’un allez simple vers le calvaire. Silencieusement.

La planification familiale ? Parent pauvre de la prévention en santé publique. L’information sur le VIH/SIDA ? Freiné par des réticences sociales entretenues. La gratuité de la césarienne ? Un vœu pieu qui se matérialise sur le terrain par une véritable foire d’empoigne entre patientes et sages-femmes. Cela tourne au drame quand cette césarienne est pratiquée dans des hôpitaux en manque chronique de ressources, à commencer par celles humaines. Le Golgotha est en ligne de mire quand l’on s’aperçoit que le sang est devenu la denrée la plus rare du monde hospitalier.     Il paraît pourtant que nous faisons de la promotion du genre une priorité. Drôle de promues que ces 395 femmes sur 100.000 qui laissent chaque année leur vie dans les mouroirs de la République. 31600 femmes chaque années. Allada et Grand-Popo rayées de la carte chaque année ou pour ceux qui viennent de plus haut Bembèrèkè ou Savalou expédiées hors les murs. C’est autant de mères qui manqueront pour éduquer les pupilles de la Nation.

L’environnement enfin ! Cette catastrophe annoncée que  l’Afrique semble minimiser. Ce n’est pas bien important en effet là ou l’on naît, là ou l’on vit, là ou l’on travaille. 78% de nos ordures ménagères sont répandues dans la nature et souvent dans l’anarchie la plus totale. Nous avons pourtant depuis 2003 des municipalités élues qui devraient faire de ces questions l’un des piliers des politiques locales qu’elles conduisent. Ceci d’autant plus qu’on sait que 37% de nos populations s’abreuvent d’eau non potable, glanée ça et là dans des puits et cours d’eau à la salubrité précaire. Oui nous parlons bien, ouvrez grands vos yeux et bouchez fort vos narines, de cette nature dans laquelle 88% des béninois défèquent directement ou indirectement puisqu’ils ne disposent pas de latrines chez eux. Imaginez ainsi les ravages silencieux de cette concomitance sordide entre ordures, eau et excréments sur la santé et surtout celle des plus faibles : enfants, femmes, vieux.

Ajoutez à cela un état qui se complique la tâche en signant des contrats iniques. Je veux parler de celui qui lie le Bénin, le Niger et le groupe Bolloré pour l’acheminement de l’Uranium de la mine d’Arlit via le Port de Cotonou. Il s’agit de ces wagons entiers de matière toxique, dangereuse, radioactive qui traverse à toute allure le Bénin dans des conditions que dénoncent déjà les associations spécialisées.

Avec une protection à minima des locaux chargés de la sûreté et des normes de sécurité aléatoirement respectées. Même le nouveau pouvoir nigérien s’est déclaré surpris du choix du Bénin et non de l’Algérie pour cette délicate manœuvre. Au final ce sera l’argent pour les nigériens, les conséquences pour les béninois ?

Voilà qui interpelle nos dirigeants et qui nous interpelle nous-mêmes sur ce développement, ce progrès, cette émergence économique qu’on nous promet. Les berceuses n’ont sur les enfants qu’un effet temporaire et il est prouvé qu’elles n’empêchent pas les cauchemars. Le réveil risque ici d’être douloureux s’il s’avérait trop tardif. Voilà des sujets à prendre en compte par l’industrie associative de la jeunesse béninoise qui pour l’instant semble préférer l’attrait des manœuvres politiciennes. Est réellement politique, toute réflexion ou action qui favorise la construction de la cité.

Avant le développement de faire du Bénin une Hong Kong de l’Afrique, d’ériger Parakou en Kuala Lumpur et de bâtir le Métro de Sakété, avant les rutilantes 4 x 4 de l’Etat, et les aéroports ultramodernes, la République doit offrir à ses enfants des conditions de naissance, de croissance et d’existence décentes. Qu’on ne se s’étonne pas sinon d’une fracture sociale qui irait crescendo. Qu’on ne s’étonne pas de ces grappes de désœuvrés divaguant comme agents libres de l’oisiveté, du vice, de la délinquance et demain de la violence. Toute mesure destinée à multiplier par zéro la déscolarisation précoce, la mortalité maternelle excessive et la dégradation environnementale est bienvenue.

Sinon, les rejetés de l’Education, les disparues de la Santé et les sinistrés de l’Environnement ne seraient ni plus ni moins qu’une génération sacrifiée.

Lionel Kpenou-Chobli

Conseiller en Affaires Juridiques et Publiques

http://lionelchobli.wordpress.com

Publié dans Chronique

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